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Féminismes : un projet de musée unique en France

L’Université d’Angers et l’AFéMuse ont présenté le 8 mars leur projet de créer le premier musée consacré aux luttes pour les droits des femmes et contre les inégalités et les discriminations liées au genre. Ouverture prévue en 2027 au sein de la BU Belle-Beille.


Nathalie Clot, Christine Bard et Christian Roblédo ont dévoilé le projet le 8 mars.
Aucune institution en France ne valorise, avec un projet scientifique et culturel dédié, l’histoire des droits des femmes et des mouvements sociaux qui les ont accompagnés. Pas une seule des 1216 structures labellisées « musée de France » n’en a fait son centre d’intérêt. Un vide que l’Université d’Angers et ses partenaires entendent combler.

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Christian Roblédo, président de l’UA, Nathalie Clot, directrice des bibliothèques universitaires angevines, et Christine Bard, coprésidente de l’AFéMuse, association de préfiguration du futur musée, ont présenté le projet.

Des archives exceptionnelles

L’idée, depuis longtemps dans la tête de Christine Bard, spécialiste de l’histoire des femmes, a refait surface lors du 20e anniversaire du Centre des archives du féminisme (CAF), fondé en 2000. Hébergé au sein de la bibliothèque universitaire Belle-Beille, le CAF conserve tous les ouvrages concernant le féminisme et quelque 80 fonds d’archives d’associations ou de militantes des droits des femmes, à l’image de l’ancienne ministre Yvette Roudy, de l’écrivaine Benoîte Groult, ou de l’association Choisir la cause des femmes créée par Gisèle Halimi… Il s’agit aujourd’hui « de la plus grande concentration d’archives des femmes en France », constate Christine Bard. Un « trésor » connu des chercheur·es, mais quasi inaccessible pour le grand public (sauf à l’occasion de quelques visites organisées dans le cadre d’événements).

En lien avec la recherche et la formation

Le futur musée va donner de la visibilité à ces fonds, tout en les articulant avec des œuvres, des objets et des ressources issus des collections du musée encore à enrichir, ou provenant d'autres institutions. Il s’appuiera sur les recherches les plus actuelles issues du monde universitaire, notamment celles menées à Angers, et sera en lien avec les formations, comme celle du master Études sur le genre, né à l’UA en 2017. Ce sera un lieu « ouvert », répètent les protagonistes. Ouvert aux étudiant·es qui fréquentent la BU (700 000 entrées par an), ceux de l’UA et des autres établissements du supérieur, mais aussi ouvert aux scolaires, aux habitants. Ce sera « un lieu vivant et participatif, propice aux rencontres et aux débats ».

Le CAF contient quelques archives insolites.
Le CAF contient quelques archives insolites.
Le musée sera intégré au cœur de la BU qui fait actuellement, et jusqu’à la rentrée 2027, l'objet d’un important programme de modernisation. La rénovation intérieure va permettre de restructurer les espaces, et de créer des zones d’exposition permanente ou temporaire pour le musée, et des espaces de médiation, en complément de la Galerie 5 d’art contemporain. « C’est bien écrit dans les statuts : les universités sont des établissements à caractère scientifique ET culturel, a rappelé le président de l’UA, Christian Roblédo. La culture produite à l’université doit pouvoir être partagée avec l’extérieur ».

Phase de maturation

Les détails restent à affiner. Au propre comme au figuré, le chantier n’est pas terminé. Liées par une convention, l’Université d’Angers et l’AFéMuse entrent dans une phase de maturation, trois ans durant lesquels sera précisé le projet scientifique et muséographique. De nouveaux partenaires et mécènes vont être recherchés, afin de donner à cet espace les moyens de vivre (le recrutement de personnels de médiation et d’un agent de sécurité sont à financer).

Sans attendre l’ouverture du musée, la collection va s’étoffer. Un premier tableau, signé Léon Fauret, vient d’être acquis par l’AFéMuse, grâce à une campagne de financement participatif. L’œuvre de 1910, intitulée « Maria Vérone à la tribune », est « le seul tableau représentant une scène féministe de la première vague », souligne Christine Bard.

Une première exposition temporaire est également d’ores et déjà programmée pour la rentrée 2024. Son thème : « Les femmes sont dans la rue ». Le commissariat de cette exposition a été confiée à l’historienne Ludivine Bantigny, spécialiste des mouvements sociaux.

De forts soutiens

  • Plusieurs intellectuel·les, l’historienne Michelle Perrot ou l’académicien Pascal Ory, ont témoigné leur soutien. Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022, a écrit ces mots : « En cinquante ans, les femmes se sont réapproprié leur histoire, mais il n’existe pas en France un lieu où cette Histoire serait vivante, incarnée par les milliers d’archives. Seul un Musée du féminisme peut remplir cette fonction sensible, mettre en pleine lumière l’évolution des luttes et la marche des femmes vers la liberté ».
  • La Fondation des femmes, présidée par Anne-Cécile Mailfert, appuie le projet et apporte un soutien financier à l'association de préfiguration AFéMuse.
  • Lors de la présentation du projet, Christelle Lardeux-Coiffard, adjointe au maire d’Angers en charge des solidarités actives et des droits des femmes, a fait part de son « enthousiasme. Nous serons à vos côtés ».
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