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Séparés par des virgules

Elina Brotherus, le corps en jeu

Pascaline Vallée, autrice en résidence d'écriture à l'Université d'Angers a été inspirée par l'exposition "WHY NOT" d'Elina Brotherus, actuellement visible à la Galerie Dityvon, jusqu'au 11 juin 2023. Voici son analyse. 

Prendre place

Une figure humaine, de dos, porte un long manteau sombre. A ses pieds, un paysage de montagne s'étend. Pour qui est initié à l'histoire de l'art, cette description renvoie immanquablement à Der Wanderer, toile peinte par Caspar David Friedrich en 1818. Deux siècles plus tard, la photographe Elina Brotherus s'est approprié la célèbre composition dans sa série « The New Painting ». A la place du voyageur, elle se dresse, de dos, devant différents paysages et dans différentes tenues.

Il y a plusieurs sens dans ce geste  : D'abord, un hommage à l'art pictural, que l'artiste admire et dans la lignée duquel elle place la photographie. Ensuite, une revendication. « Quand je faisais mes études d'art, explique-t-elle, j'étais ennuyée par le fait que la pratique de la photographie était vue comme masculine : on place l'homme au sommet de la montagne et il domine le monde par son regard. En tant que jeune femme, je voulais prendre cette place. » Enfin, cette série est aussi un questionnement sur l’œuvre d'art. En se plaçant dans la photographie, l'artiste partage un point de vue et un paysage avec les spectateur-trices, dans une invitation à la contemplation.

De dos, de face, seule ou en duo, nue ou habillée... Elina Brotherus est présente sur quasiment toutes ses photos. Ce qui était au départ un choix de facilité est devenu une marque de fabrique. Une manière aussi d'affirmer qu'elle peut, en tant qu'artiste et femme, tout se permettre, s'amuser avec les traditions comme avec les contextes qui s'offrent à elle. Le paysage, sujet très présent dans l'histoire de l'art, est ici une scène, un fond de toile, devant lequel l'action se déroule. L'artiste choisit les lieux « à l’œil », au gré de promenades. Allant à l'inverse du culte du spectaculaire, elle prend le temps de s'imprégner des lieux qu'elle visite pour choisir l'emplacement qui fera écho à son intention et son intuition du moment.

 

Réinterpréter

Les photographies présentées à la galerie Dityvon sont issues de plusieurs séries. Toutes font référence à d'autres artistes, cités dans le sous-titre des œuvres. Depuis 2016, Elina Brotherus s'est particulièrement intéressée au mouvement Fluxus et à ses Event scores, partitions de gestes parfois énigmatiques, puisées dans le détournement de gestes quotidiens ou dans la fabrication de hasards créatifs.

Seule ou accompagnée d'une modèle également danseuse et grande connaisseuse du mouvement, l'artiste interprète à son tour les indications des artistes conceptuels, et se retrouve  transformée en lampe au milieu d'une forêt (Artist as Lamp, After M.H.Abrams in The Mirror and the Lamp, 1953), transportant son modèle comme un objet (Carry a Person to Another Place, After Merce Cunningham), ou encore plaçant devant sa tête un béret de couleur pour remplacer grandeur nature les gommettes que John Baldessari collait sur des photographies.

Pour autant, pas besoin de connaître les originaux pour apprécier la vingtaine d'images présentées dans l'exposition. Chacune peut se regarder pour son humour, son résultat esthétique ou pour son étrangeté. L'art d'Elina Brotherus est aussi une incitation à sortir de l'ordinaire, à requestionner nos gestes du quotidien. Et vous, vous feriez quoi avec une balle jaune ?

Pascaline Vallée

Pour retrouver l'ensemble des informations liées à l'exposition, c'est ici. 

Bibliothèque universitaire Saint Serge
11 allée François Mitterrand - Angers
Du lundi au samedi : de 8h30 à 22h30
Tél. : 02 44 68 80 00
Flickr | Facebook

Directrice de la BUA
Nathalie Clot
02 44 68 80 65
nathalie.clot @ univ-angers.fr

Responsable de la Galerie Dityvon 
Lucie Plessis 
02 41 96 23 34
lucie.plessis @ univ-angers.fr

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