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Les enfants d’Indochine : déplacements et intégration

Professeur d’histoire contemporaine, Yves Denéchère vient de publier un ouvrage sur les enfants eurasiens nés en Indochine puis déplacés en France. Une parution qui s’inscrit dans le cadre du programme de recherche ANR EN-MIG dont le colloque international Enfants en décolonisation aura lieu à Angers les 19 et 20 juin prochains.

Territoire administré au XIXe siècle par la France, l’Indochine regroupait à l’époque le Laos, le Vietnam et le Cambodge. De cette domination coloniale sont nés des enfants métis, dont plus de 5 000 mineurs ont été envoyés en métropole sans leurs parents entre les 1945 et 1975, et placés dans des foyers ou des institutions dans lesquels on leur interdisait de parler leur langue d’origine.

« Ces migrations contraintes d’Indochine sont liées à tout un ensemble complexe de questions politiques, diplomatiques, économiques, et démographiques dans un contexte postcolonial, explique Yves Denéchère, dont d’autres recherches portent sur l’adoption internationale et les droits des enfants. Si la mémoire de ces déplacements contraints est vive chez les personnes concernées, l’histoire de leur expérience commune restait à écrire. »

Plusieurs centaines de personnes rencontrées

En effet, malgré les travaux de nombreux chercheurs sur l’Indochine ou les relations franco-vietnamiennes, l’arrivée de milliers d’enfants métis organisée par les autorités françaises n’est pas très documentée – voire pas du tout. Pourtant, les questions qui en découlent sont nombreuses : comment se sont-ils intégrés ? Que sont-ils devenus ? Sont-ils restés vivre en France ? Quels enjeux de transmission pour leurs enfants ?

« Il faut interroger ces migrations à la fois comme source de vulnérabilité et comme support de construction de leur autonomie ou de leur affranchissement, et saisir comment ils ont navigué entre contraintes et opportunités, continue Yves Denéchère. Cet ouvrage a donc pour ambition de proposer une histoire globale à partir des traces du passé en vue de produire un récit dans lequel chacune des personnes concernées peut inscrire sa propre histoire. »

Pour l’écrire, le chercheur s’est appuyé sur les archives ministérielles et de la Fédération des œuvres de l’enfance française d’Indochine (FOEFI). Il a aussi rencontré des centaines de personnes concernées un peu partout en France, et une douzaine d’entre elles sont venues à l’UA pour un atelier d’écriture en mai 2023, puis ont échangé avec des étudiant∙es en licence d’Histoire en décembre 2023. Des témoignages poignants et variés qui illustrent la différence de perception de cette époque pour ces personnes aujourd’hui âgées de 70 ans ou plus.

« Si cet ouvrage se place sans ambiguïté dans une démarche historique, les apports d’autres sciences humaines et sociales (anthropologie, sociologie, psychologie, droit) ont été mobilisés. Il a en effet vocation à mettre en regard les politiques et les dimensions individuelles qui peuvent être activées en réponse aux discours de l’intégration comme injonction politique et/ou sociale. »

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